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Morale élastique

Nicolas Rousseau reproche aux puissances occidentales de dénoncer – ou non – les exactions de guerre uniquement en fonction des «intérêts de leurs alliés».
Conflits armés

L’armée russe vise en Ukraine des bâtiments civils, écoles ou hôpitaux, déporte de force des populations, détruit des installations électriques ou des réservoirs, attaques qu’elle motive chaque fois par des raisons militaires; indignation générale justifiée, de tels actes sont effectivement contraires au droit international! L’armée israélienne en fait de même à Gaza depuis une année, et de façon plus systématique encore; réactions mesurées des chancelleries occidentales, dont certaines légitiment même ces actes par la lutte contre le terrorisme. Et quand Netanyahou est ici visé par le Tribunal pénal international au même titre que Poutine, elles affichent des réserves.

Moscou empoisonne ou défenestre certains de ses opposants à l’étranger; condamnations unanimes et appels au respect de la légalité. L’Etat hébreu procède à de nombreuses exécutions extrajudiciaires de ses adversaires; c’est tout juste si certains Occidentaux n’applaudissent pas, estimant ici que le droit d’Israël à se défendre prime sur tout le reste, peu importe même que ces assassinats entraînent la mort de civils innocents.

La Russie est accusée d’avoir dynamité des gazoducs en mer Baltique; elle se voit d’emblée accusée de terrorisme d’Etat. Branle-bas de combat dans les états-majors, le monde entier se met à craindre pour la sécurité de tous ses câbles sous-marins. Il se révèle que ce sabotage pourrait être plutôt imputé à des agents ukrainiens; peu de protestations internationales, certains milieux affirment même que Kiev était ici parfaitement en droit d’agir ainsi.

Les mollahs iraniens appellent à la destruction d’Israël: à juste titre, la communauté internationale s’offusque. Tel dirigeant américain les menace de représailles qui ramèneraient leur pays à l’âge de pierre; l’idée ne suscite qu’un émoi limité, pas plus considérable que celui qu’ont provoqué jadis les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki.

Dans leur guerre sans pitié contre les Occidentaux et leurs alliés, les djihadistes parsèment les champs de bataille d’objets du quotidien piégés, voitures, téléviseurs, poupées même. Leurs adversaires crient légitimement à la barbarie! Les services israéliens font exploser une multitude d’instruments de télécommunication, frappant indistinctement civils et soldats du Hezbollah. Sur les plateaux de télévision, la plupart de nos commentateurs s’extasient devant cette prouesse technique.

De façon récurrente, en Occident, tous les beaux esprits en appellent à l’universalité des droits de l’homme, surtout en période de guerre. Mais ne serait-ce pas temps qu’ils passent enfin de la parole aux actes et qu’ils cessent de relativiser leurs dénonciations selon les intérêts de leurs alliés? Parce que ces derniers vivent comme nous en démocratie, devraient-ils être traités avec plus d’indulgence? La belle excuse que voilà! C’est déjà celle que brandissaient jadis les gouvernements démocrates anglais et français à l’appui de leur colonisation brutale du monde, celle qu’ont récemment encore avancée les Américains quand ils ont martyrisé l’Irak…

Nicolas Rousseau est essayiste et écrivain, Boudry (NE).

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